La ''Life Satisfaction''




"…"
Œuvre d’une jeune étudiante de l’Ecole Supérieur d’Art

D’Aix-en-Provences
(promo 2006/2007 1er année)
Aurélie Loffroy






Extrait de la revue Sciences Humaines, mensuel n° 171, mai 2006,

Les émotions donnent-elles sens à la vie ?


Des instruments divers ont été mis en place depuis plus de trente ans pour mesurer le niveau de satisfaction de vie des individus et des populations. Le type de question le plus fréquemment utilisé est celui-ci: «Dans l'ensemble, êtes vous satisfait de votre vie ces temps-ci?» La personne interrogée répond en notant sur une échelle son degré d'accord avec l'énoncé, Avec des données de plus en plus nombreuses et remontant à plusieurs décennies, on est maintenant en mesure de faire un premier bilan sur la validité et la fiabilité des informations ainsi recueillies.

Parmi les résultats les plus «robustes» des nombreuses études, on voit une corrélation faible avec le revenu trop faible pour en conclure que «l'argent fait le bonheur», trop constante pour dire qu'il ne le fait pas. Pour Ed Diener, l'un des auteurs de l'article ‘‘The Satisfaction with Life Scale’’, le rôle du revenu est complexe: dans les pays riches, il n'est que faiblement lié aux différences individuelles de satisfaction; dans les sociétés pauvres, lorsque les besoins de base ne sont pas satisfaits, il peut jouer bien davantage, Les pays riches ont des scores de satisfaction beaucoup plus élevés que les pays pauvres - mais dans les pays très pauvres, les individus peuvent se dire très heureux si leurs besoins de base sont satisfaits, D'une manière générale, les cultures ou les personnes qui priviléégient les relations sociales plutôt que les biens matériels ont de meilleurs scores de satisfaction de vie ...

Pour certains auteurs, en dépit de toutes les validations dont elle se prévaut, la mesure de satisfaction de vie est insuffisante ou la question mal posée. La question «êtes-vous satisfait de votre vie?», en effet, renvoie à un jugement global, moral et philosophique, s'appuyant, d'une part, sur des références implicites, les espoirs que l'on avait, les obstacles rencontrés, les compromis, les réussites et les échecs, et, d'autre part, sur le souvenir. Plutôt que sur la mémoire, il faudrait s'appuyer sur le vécu, l'expérience. C'est dans cette perspective que se sont développées des innovations méthodologiques cherchant à saisir l'expérience vécue par les individus pour ainsi dire portent sur eux…

Dans un article publié dans la revue Science en 2004, le psychologue (et prix Nobel d'économie) Daniel Kahneman et ses collaborateurs ont mis au point une méthode intitulée ‘‘Day Reconstruction Method’’ (DRM). Les sujets sont invités à se remémorer en détaille la journée qu'ils ont vécue la veille et à la diviser librement en épisodes. Pour chaque épisode, on leur demande ensuite de remplir un bref questionnaire portant sur l'horaire de l'épisode, la nature des activités, le lieu, les personnes présentes et les affects éprouvés (sur une échelle d'intensité). Les données ainsi recueillies portent donc aussi bien sur l'emploi du temps (le temps consacré aux diverses activités, y compris celles qui sont accomplies simultanément) que sur l'environnement et les interactions sociales ainsi que sur les émotions et sentiments ressentis. Grâce à cet outil, on peut donc connaître le temps consacré aux diverses activités, le classement de ces activités par ordre d'agrément, celui des personnes avec qui le répondant se trouve, etc. On découvre que l'activité vécue comme la plus désagréable dans un échantillon de femmes américaines est «commuting to work alone» [le temps passé en transports vers le lieu de travail lorsqu'elles sont seules]. La plus agréable, outre les relations sexuelles, est le «socializing»: d'une manière générale, toutes les activités relevant du lien social sont parmi les plus appréciées. L’analyse de la sensation de fatigue éprouvée montre qu'elle décrit, au cours de la journée, une courbe en forme de V: elle décroît jusque vers l'heure du déjeuner, remonte ensuite, redescend légèrement à l'heure où l'on quitte le travail et remonte enfin jusqu'au coucher. En analysant les données par tranches d'âge, on s'aperçoit que les moins de 30 ans se sentent deux fois plus fatigués le matin que les plus de 50 ans.

L’outil paraît suffisamment fiable et efficace pour permettre maintenant des comparaisons transculturelles, On peut ainsi étudier notamment plus en détail et plus en profondeur, sans normativité, la variabilité, d'une culture à l'autre, non seulement de la satisfaction de vie en général, mais de l'expérience vécue du quotidien, Les données d'une première enquête comparative menée en 2005 entre la France et les Etats-Unis sont en cours d'analyse.

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