
"Psyché ranimée par le baiser de l'Amour"
Oeuvre (située entre 1787 et 1800) du sculpteur(1757-1822)
Les philosophes l’ont de fait laissé à l’abandon, destitué du concept et finalement rejeté dans ses marges obscures et inquiètes de leur raison suffisante - avec le refoulé, le non‑dit et l’inavouable. Sans doute d’autres discours prétendent relever cette déshérence et, à leur manière, y parviennent parfois. La poésie peut me dire ce que j’expérimente sans savoir l’articuler et me libère ainsi de mon aphasie érotique - elle ne me fera pourtant jamais comprendre l’amour en son concept. Le roman parvient à rompre l’autisme de mes crises amoureuses, parce qu’il les réinscrit dans une narrativité sociable, plurielle, publique - mais il ne m’explique pas ce qui m’arrive, réellement, à moi. La théologie, elle, sait ce dont il s’agit; mais elle le sait trop bien pour toujours éviter de m’imposer une interprétation si directe par la Passion, qu’elle annule mes passions - sans prendre le temps de rendre justice à leur phénoménalité, ni donner un sens à leur immanence. La psychanalyse peut résister à ces hâtes et sait demeurer parmi mes vécus de conscience et surtout d’inconscience - mais précisément pour mieux constater que je souffre d’un défaut des mots pour les dire, voire qu’elle‑même manque des concepts pour les penser. De ces efforts défaits, il résulte que le tout‑venant, autrement dit tous ceux qui aiment sans bien savoir ce que l’amour veut dire, ni ce qu’il leur veut, ni surtout comment lui survivre - vous et moi le premier - se croit condamné aux pires trompe‑la-faim : le sentimentalisme en fait désespéré de la prose populaire, la pornographie frustrée de l’industrie des idoles ou l’idéologie informe de l’épanouissement individuel, cette asphyxie vantarde. Ainsi la philosophie se tait et, dans ce silence, l’amour s’efface.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire